Circulaire du 5 juin 2019 relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail

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Paris, le 5 juin 2019.

- Le Premier ministre
à
- Monsieur le ministre d’État,
- Mesdames et Messieurs les ministres,
- Mesdames et Messieurs les secrétaires d’État

Par circulaire en date du 24 juillet 2018, je vous ai demandé de me soumettre des propositions visant :

- d’une part, à transférer l’ensemble des décisions qui pourraient être exercées au niveau déconcentré, en privilégiant le niveau départemental, voire infra-départemental afin de renforcer les marges de manœuvre des agents de terrain ;

- d’autre part, à repenser l’organisation et le fonctionnement de vos administrations centrales en tenant compte de la réforme de l’organisation territoriale de l’État en cours et des priorités définies dans vos plans de transformation ministériels.

- Instruites par la direction interministérielle de la transformation publique et une mission inter-inspection, vos propositions de transformation ont permis de dégager les axes de réforme suivants :

I. - Renforcer l’efficacité des administrations centrales

Les directions d’administration centrale doivent pouvoir s’adapter plus aisément et rapidement aux priorités des plans de transformation ministériels et à leur réalisation.
Les travaux de réorganisation de vos administrations centrales doivent viser une plus grande proximité et une efficacité renforcée de l’action publique.

- A cette fin, des réflexions doivent être menées dans chaque direction pour tirer les conséquences des évolutions à venir de l’organisation territoriale de l’État,

- réduire les échelons hiérarchiques,
- diminuer le poids des activités récurrentes (réduction de la production normative, rationalisation des modalités d’exercice de la tutelle, etc.) afin de libérer des ressources pour la conduite de projets prioritaires et notamment ceux de vos plans de transformation.
- Ils devront également attacher une importance particulière au traitement des nombreux cas de doublons qui subsistent encore, notamment entre les fonctions supports des directions et les secrétariats généraux des ministères, entre les différentes directions « métier » d’un même ministère ou de plusieurs ministères (cas de nombreuses politiques interministérielles à rationaliser), entre directions et opérateurs.
- -Comme cela a été demandé par les secrétaires généraux et les directeurs d’administration centrale, une liberté de proposition leur sera donc donnée pour fixer leur organigramme, avec notamment l’objectif de réduire le nombre d’échelons hiérarchiques, ainsi que pour constituer des équipes projets (assouplissement des conditions de nomination d’experts de haut niveau et directeurs de projet).
- Les propositions d’organisation seront soumises à l’accord du ministre mais ne donneront plus lieu à un encadrement réglementaire au fond et à un contrôle interministériel de son respect.
En contrepartie, les organigrammes devront être rendus publics et mis à jour sur une base régulière sur le site de chacun des ministères.
- J’ai demandé au secrétaire général du Gouvernement, à la direction générale de l’administration et de la fonction publique et à la direction du budget de préparer les évolutions réglementaires et de définir les nouveaux modes d’organisation traduisant ces changements pour le 15 juin.

- Bien entendu, cette liberté d’organisation ne devra pas s’accompagner d’une augmentation du nombre total des emplois d’encadrement de direction (chef de service, sous-directeur, expert de haut niveau, directeur de projet) et devra conduire à une baisse des effectifs totaux en administration centrale, qui devra être documentée dans le budget 2020-22.

Vous me transmettrez vos premières propositions de réorganisation et votre calendrier de travail pour le 15 juin.

Enfin, comme la circulaire du 18 février 2019 le rappelait, vous pourrez solliciter la direction interministérielle de la transformation publique pour répondre à vos besoins d’accompagnement. Cet appui sera plus particulièrement engagé à destination de plusieurs directions d’administrations centrales dont la transformation est considérée comme prioritaire, notamment au regard de leur lien avec la réorganisation territoriale de l’État ou de l’importance stratégique des réformes de politique publique qui leur sont confiées.

- Mon cabinet vous indiquera sous quinzaine la liste des directions d’administration centrale qui sont concernées.

II. - Simplifier le paysage administratif : la réduction du nombre d’instances et de commissions rattachées aux administrations centrales

- Près de 1 200 agences et opérateurs sont actuellement placés sous la tutelle des ministères (établissements publics qu’ils soient ou non opérateurs de l’Etat, services à compétence nationale, autorités administratives indépendantes), auxquels s’ajoutent de nombreuses entités qui leur sont directement rattachées (délégations, hauts commissariats, commissariats). La multiplicité de ces structures - qui comptent pour certaines un très faible nombre d’agents - nuit à la lisibilité et à la cohérence des missions des administrations centrales.
- Afin de réduire substantiellement le nombre d’organismes n’ayant pas la taille critique, les administrations devront justifier le maintien des structures dont la taille n’excède pas 100 ETP.
Vous proposerez les suppressions et les regroupements rendus nécessaires par cette revue systématique pour le 15 juin.
- Comme le Président de la République l’a souhaité, le Gouvernement compte également rationaliser le nombre d’organismes obligatoirement consultés sur les textes ou décisions administratives. La rénovation du Conseil économique, social et environnemental doit être l’occasion de rénover profondément ces modalités de consultation. Je vous invite à me faire toute proposition utile à cet égard d’ici l’été.

- A partir de maintenant, les administrations centrales ne pourront constituer de nouvelles entités administratives qui leur soient rattachées autrement qu’en supprimant, transformant ou fusionnant des structures déjà existantes, qu’il s’agisse d’opérateurs, d’agences ou de toutes autres formes juridiques d’organismes. Le cas échéant la création de ces nouvelles entités pourra prévoir une clause de limitation dans le temps. Ces suppression, transformation ou fusion doivent intervenir dans le même champ ministériel ou dans le cadre d’une même politique publique que les créations d’entités nouvelles. Elles doivent conduire à un allègement global des structures administratives concernées.

Le secrétariat général du Gouvernement s’assurera du respect de cette règle. En cas de difficulté, le projet de création d’instance sera soumis par le secrétariat général du Gouvernement à l’arbitrage de mon cabinet. Cette validation préalable conditionnera la décision de poursuivre le projet de création de la structure considérée.

III. - Rapprocher les administrations des citoyens et des territoires

Afin de répondre à la double attente de proximité et de rééquilibrage des forces économiques et institutionnelles de la région parisienne vers les territoires, je souhaite que certaines fonctions ou missions puissent être intégralement délocalisées en région.
Ces délocalisations participeront à l’objectif d’une plus grande redistribution de l’activité et des emplois sur le territoire national. Elles permettront à certains agents publics volontaires de bénéficier de conditions de vie plus favorables.
A cette fin, je vous demande d’identifier pour le 15 juin au moins deux propositions de délocalisations de services, agences, opérateurs ou directions support dont les missions pourraient être exercées en région, sans nuire à la qualité des missions accomplies et au bon fonctionnement de votre ministère. Les écoles de formation dont vous dresserez la liste exhaustive et la localisation devront, dans la mesure du possible, être incluses dans vos propositions. Ces propositions chiffrées et documentées seront instruites par mon cabinet afin d’étudier leur opportunité et leur faisabilité.
Toujours dans le souci de rapprocher les institutions de nos concitoyens, je vous donnerai prochainement mes orientations visant à mieux associer ces derniers aux phases de conception des politiques publiques et de suivi des réformes.
D’ici là, je vous demande de me faire part de vos propositions de mesures concrètes en la matière, et ce pour le 15 juin.
Une synthèse sera réalisée par la direction interministérielle de la transformation publique.
De même, il convient de davantage associer les services déconcentrés à l’élaboration de la norme de manière simple et efficace.

L’article 8 du décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration prévoit la prise en compte par les administrations centrales de l’impact d’une réglementation nouvelle sur l’organisation et le fonctionnement des services de l’État.

- Cette orientation a été mise en place de manière lourde, lente et inefficace par le recours au test ATE (administration territoriale de l’État).
Il convient donc de retenir un dispositif plus souple et efficace. Conformément aux instructions du 12 octobre 2015 relatives à l’évaluation préalable des normes, chaque projet d’acte réglementaire fait l’objet d’une fiche d’impact qui devra être remplie avec une plus grande exhaustivité s’agissant de la prise en compte des effets des réglementations nouvelles sur l’organisation et les moyens des services déconcentrés. Vos services devront également indiquer les modalités qu’ils ont utilisées pour consulter les services déconcentrés (panel, enquêtes de satisfaction, visioconférence, etc.).

IV. - Aller le plus loin possible en matière de déconcentration

Je vous ai demandé des propositions très ambitieuses en matière de déconcentration. Une revue exhaustive des actes réglementaires de portée locale et des décisions administratives individuelles figurant en annexe des décrets des 19 et 24 décembre 1997 qui dressent la liste des exceptions à la déconcentration a été engagée. A la suite des travaux menés avec mon cabinet et le secrétariat général du Gouvernement, vos propositions sont en cours de finalisation et feront l’objet d’un relevé de décision pour chaque ministère.
Il faut désormais arrêter toutes ces mesures de déconcentration et fixer leur calendrier de réalisation. Ne doit demeurer, à échéance de la fin de l’année, en administration centrale que de manière très résiduelle la prise des décisions administratives individuelles. Les particuliers comme les entreprises doivent pouvoir voir traiter leur demande dans la meilleure proximité et non en administration centrale.
- Je vous demande de m’adresser pour le 15 juin la liste des textes et actions à mener pour opérer ces déconcentrations ainsi que leur calendrier de réalisation afin que l’ensemble de ces mesures entrent en vigueur au plus tard le 1er janvier 2020.
Par ailleurs, je vous demande de poursuivre les travaux engagés avec la direction interministérielle de la transformation publique en matière de déconcentration financière et de décisions de ressources humaines.

- Le ministère de l’action et des comptes publics proposera d’ici le 15 juin un plan de simplification en la matière. Vous devrez formuler dans les mêmes délais vos propositions internes de rénovation de gestion.

V. - Améliorer le fonctionnement du travail interministériel

Afin d’assurer la fluidité et la rapidité du travail interministériel, il est important que vos directeurs d’administration centrale soient davantage responsabilisés et travaillent en étroite collaboration avec les cabinets ministériels à la taille resserrée.
Avec le concours de vos cabinets et de vos administrations, je vous demande, en lien avec la mission cadres dirigeants du secrétariat général du Gouvernement, de faire le bilan des nouvelles pratiques de travail mises en œuvre et des améliorations possibles.
- La mission cadres dirigeants du secrétariat général du Gouvernement fera la synthèse des enseignements que vous en tirerez et des bonnes pratiques qui pourront inspirer l’ensemble des ministères au second semestre 2019.
Pour assurer l’efficacité du travail interministériel, il est également essentiel de développer la culture de coopération entre les administrations concernées par chaque projet. La prise en compte de la position de l’ensemble des administrations concernées est à la fois un impératif pour l’unité de l’action du Gouvernement et une garantie de la qualité des décisions.
Il appartient en particulier aux directeurs d’administration centrale de conduire ce travail de coopération entre services. Ils doivent traiter les points de blocage ou de désaccord à leur niveau, par un dialogue direct avec leurs collègues des autres directions ou ministères concernés. Leur investissement personnel dans les échanges interministériels et dans la recherche de solutions permettant de surmonter les désaccords doit être un critère majeur de l’évaluation de leur performance.

- L’arbitrage du Premier ministre ne doit être recherché qu’après que des échanges approfondis entre les services compétents et entre les ministères auront permis d’instruire le dossier dans un esprit coopératif en recherchant en priorité les solutions susceptibles de recueillir l’accord des différentes administrations concernées. Les demandes de réunion interministérielle doivent justifier de l’existence de ce travail préalable de recherche d’un accord entre les administrations concernées. Elles doivent identifier les points de désaccord qui subsistent et proposer des pistes de solution qui tiennent compte de la position de l’ensemble des ministères compétents.
Le secrétaire général du Gouvernement et mon cabinet veilleront à la qualité des échanges préalables entre les services et prendront toute initiative pour encourager la coopération interministérielle et prévenir les comportements non coopératifs.
Parallèlement au développement de la coopération entre les administrations, qui doit permettre de réduire le nombre des réunions interministérielles, je demande au secrétaire général du Gouvernement et à mon cabinet de veiller au respect des règles suivantes pour l’organisation des réunions interministérielles :

- les réunions interministérielles ne doivent être convoquées que pour prendre des décisions. La ou les décisions à prendre doivent être indiquées avec une précision suffisante dans la convocation ;
- toute réunion interministérielle doit donner lieu à la diffusion d’un compte rendu retraçant les décisions prises au cours ou à l’issue de la réunion. Le compte rendu n’a pas en revanche pour objet de traduire les positions prises par chaque ministère ;
- un délai minimum de 48 heures doit, sauf extrême urgence, être respecté entre l’envoi de la convocation et la tenue de la réunion. Les pièces nécessaires à l’instruction des questions soumises à la réunion doivent être jointes à la convocation ou diffusées au plus tard 48 heures avant la réunion sous peine d’annulation de celle-ci ;
- les participants à la réunion doivent être en mesure d’engager le ministre qu’ils représentent. Le nombre des représentants d’un même ministre doit être strictement limité. Lorsqu’un même ministère est représenté par plusieurs services, leur position doit avoir fait l’objet d’une coordination préalable au sein du ministère.

Je demande au secrétaire général du Gouvernement de me rendre compte régulièrement du respect de ces règles.
Par ailleurs, des outils modernes de partage et de traitement de l’information seront mis en œuvre afin de faciliter le travail collaboratif et la traçabilité des décisions. En premier lieu, un outil interministériel permettant le traitement dématérialisé de l’examen et de la réponse aux amendements parlementaires sera déployé au début de l’année prochaine et se substituera aux systèmes ministériels existants.

VI. - Encadrer et revoir l’usage des circulaires

L’opération décidée le 1er février 2018 de mise à jour de la base des circulaires adressées par les administrations centrales aux services déconcentrés et consultable sur le site circulaires.legifrance.gouv.fr a été un grand succès, conduisant au retrait de 65 % du stock des circulaires. Cependant, l’usage des circulaires par les administrations centrales n’a pas évolué.
- Le nombre de nouvelles circulaires diffusées en 2018 a ainsi été supérieur à 1300.
Ce flux est beaucoup trop important. Son examen détaillé fait ressortir que les circulaires relatives à l’organisation et au fonctionnement des services représentent plus de 38 % des circulaires, celles relatives à l’interprétation ou au commentaire des normes près de 33 % du total et les circulaires s’attachant à la mise en œuvre des politiques publiques constituent seulement 9 % du total. Les autres circulaires (21 %) ont une nature mixte mais relèvent majoritairement des deux premières catégories.
Par ailleurs, la proportion des circulaires signées personnellement par les ministres est très faible.
- Ce constat souligne que la pratique des circulaires doit être profondément revue.

- Afin de conférer davantage de latitude aux responsables déconcentrés cet outil doit être exclusivement centré sur l’objectif d’améliorer l’accompagnement et le suivi de l’exécution des réformes et des transformations de l’action publique.
- Dès lors que les travaux sur l’organisation territoriale de l’État concluent à la nécessité de donner une plus grande marge de manœuvre aux échelons déconcentrés, notamment autour du préfet, pour mettre en œuvre des organisations adaptées aux spécificités locales, l’organisation et le fonctionnement des services ne doivent plus faire l’objet de circulaires qu’à titre exceptionnel, sur les priorités d’actions du ministère
- En ce cas, l’importance des circulaires en cause justifie qu’elles soient personnellement signées par le ministre. Une copie de la circulaire doit alors être adressée à mon cabinet et au secrétariat général du Gouvernement.
- Ce dernier pourra refuser la mise en ligne d’une circulaire non conforme à cette directive.
- En deuxième lieu, les circulaires de commentaires ou d’interprétation de la norme sont des outils du passé inadaptés aux nécessités de notre époque marquées par la transparence et l’accès immédiat et partagé à l’information. En conséquence, je vous demande de remplacer ces circulaires, comme c’est parfois déjà le cas, par la mise à disposition d’une documentation, régulièrement tenue à jour, sur les sites internet de vos ministères. Les agents publics, les élus locaux et les citoyens se référeront ainsi aux mêmes documents pour l’application des textes.
- En troisième lieu, l’usage des circulaires doit être recentré exclusivement sur l’accompagnement, le suivi et l’exécution des réformes. Elles doivent comporter des orientations ou des lignes directrices de la mise en œuvre des politiques publiques. Elles incluent nécessairement la fixation d’objectifs, la définition d’indicateurs utiles et des calendriers d’exécution.
Eu égard à leur importance pour la conduite des politiques publiques elles doivent être signées par les ministres.
L’évolution de la pratique des circulaires doit être perceptible par tous et leur nombre doit être réduit significativement. Un compteur des circulaires diffusées par ministère et par an sera rendu public.

VII. - Mieux suivre l’impact des réformes

Conformément à la circulaire du 18 février 2019 relative au suivi de l’exécution des plans de transformation ministériels, je vous rappelle la nécessité de prêter une attention renforcée à l’exécution des réformes de votre plan de transformation ministériel, avec une implication maximale de votre part. Vous pourrez vous appuyer pour cela sur l’application numérique de suivi déployée par la direction interministérielle de la transformation publique. J’attire votre attention sur la nécessité d’identifier et de renseigner régulièrement, pour chaque réforme, les indicateurs d’avancement et d’impact.
- Afin de mieux suivre l’exécution des réformes, il vous est également demandé d’accompagner chaque projet de loi de cinq indicateurs d’impact qui devront permettre de mesurer de manière efficace l’atteinte des résultats de vos politiques publiques. Vous devrez présenter ces cinq indicateurs et leurs modalités d’élaboration lors de la présentation de votre projet de loi en Conseil des ministres. Ils seront intégrés à l’étude d’impact des projets de lois et à vos plans de transformation ministériels dont le suivi est assuré par la direction interministérielle de la transformation publique. Le secrétariat général du Gouvernement s’assurera du respect de cette règle pour les projets de loi délibérés en conseil des ministres à compter de juin 2019.

Les contributions demandées dans le cadre de la présente circulaire feront l’objet d’une synthèse et d’une restitution globale qui seront présentées en comité interministériel à la transformation publique, puis en Conseil des ministres avant fin juin. Le secrétariat général du Gouvernement et la direction interministérielle de la transformation publique sont à votre disposition pour toute question.

Édouard Philippe

ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/circulaire/2019/6/5/PRMX1916562C/jo/texte