Rupture conventionnelle pour les agents publics ?

C’est non !

Texte de la question

M. François Brottes attire l’attention de Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique sur l’application aux agents de la fonction publique des dispositions prévues aux articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du code du travail, issus de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 « portant modernisation du marché du travail » et permettent à un employeur et à un salarié de fixer d’un commun accord les conditions de la rupture conventionnelle du contrat de travail qui les lie.
Il a bien pris note de la réponse apportée sur ce sujet le 13 octobre 2012 à une question écrite évoquant ce sujet, et indiquant que « s’agissant des agents contractuels de la fonction publique territoriale, aucune disposition équivalente n’est prévue » au motif que « les dispositions réglementaires relatives aux indemnités de licenciement des contractuels sont d’ordre public et de ce fait soustraites à l’accord de la volonté des parties ».

Sans remettre en cause le caractère impératif et donc non négociable des indemnités dues, il apparaîtrait pertinent d’envisager néanmoins la possibilité d’un « consentement mutuel de rupture » dans le cas où l’administration et l’agent, titulaire ou non, font un constat partagé de la nécessité de mettre un terme à la collaboration de ce dernier.
Dans un contexte où les évolutions familiales, personnelles et professionnelles conduisent à des bouleversements des parcours de vie, il n’est pas rare qu’un fonctionnaire ne se sente « plus à sa place » dans son administration d’origine, voir dans la fonction publique tout court, et dans l’incapacité d’envisager une réorientation professionnelle sereinement, sauf à mettre ses finances, et par conséquent sa famille, en grande difficulté dans le cadre d’une démission ou mise en disponibilité. Cette impasse conduit certains agents à conserver un poste qu’ils n’investissent plus, avec des effets cumulatifs en termes d’absentéisme, et de qualité du service rendu, qui finissent par générer un coût non négligeable pour les finances publiques.

Il souhaiterait donc connaître les dispositions qui pourraient être prises pour qu’une « séparation à l’amiable », ouvrant droit à des indemnités de chômage pour un temps donné, puisse être mise en œuvre au sein de la fonction publique.

Texte de la réponse

- Le droit du travail et le droit public poursuivent des objectifs distincts qui justifient que la place laissée « à l’accord de la volonté des parties » ne soit pas la même dans la relation contractuelle, notamment au moment de la rupture du contrat.

- En droit du travail, l’objectif de protection du salarié n’interdit pas de négocier des conditions financières de rupture du contrat qui soient plus favorables au salarié. Le droit du travail encadre donc strictement, tant du point du vue des motifs que du point de vue des procédures, les conditions de licenciement d’un salarié dans un but de protection du salarié : il prescrit des obligations minimales s’imposant aux employeurs qui n’excluent pas la négociation de dispositions plus favorables au salarié dans le cadre de convention, d’accord collectif ou du contrat.

A l’occasion de la rupture du contrat, le code du travail consacre donc des procédures conventionnelles d’indemnisation et de rupture de contrat, qui permettent à l’employeur et au salarié de « négocier » certains éléments de la rupture, dès lors que les intérêts du salarié ne sont pas lésés. Dans ce cadre, la rupture conventionnelle constitue un mode de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

La rupture conventionnelle constitue une forme organisée de rupture amiable qui permet à l’employeur et au salarié de convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

- En droit public, la poursuite de l’intérêt général et l’objectif de protection des deniers publics limitent les possibilités de négociation des conditions d’indemnisation d’une rupture de contrat de travail.

Elle a conduit le juge administratif à consacrer les dispositions réglementaires relatives aux indemnités de licenciement des agents publics comme des dispositions d’ordre public, c’est-à-dire impératives, que la volonté des parties au contrat ne peut en aucun cas mettre en échec.

- Le Conseil d’État le rappelle très explicitement «  considérant que les dispositions de l’article 46 du décret du 15 février 1988 [relatives aux indemnités de licenciement précitées] présentent un caractère d’ordre public ; que, par suite, une collectivité territoriale ou un établissement public en dépendant ne saurait légalement s’en écarter en concluant avec un agent non titulaire un contrat prévoyant des modalités différentes de calcul de l’indemnité de licenciement » (CE n° 250695 du 4 juin 2004).

La reconnaissance des dispositions réglementaires relatives au licenciement des agents contractuels comme des dispositions d’ordre public conduit ainsi à soustraire l’indemnité de licenciement à la volonté des parties et à limiter le risque de « libéralité ».

Elle permet aussi d’assurer l’égalité de tous les agents contractuels. Compte tenu de ces différences fondamentales, la rupture conventionnelle ne paraît pas adaptée aux contraintes de fonctionnement du service public. Il convient de noter qu’afin de sécuriser les procédures de fin de contrat des agents contractuels, le Gouvernement (cf. décret n° 2014-1318 du 3 novembre 2014), conformément à la volonté du législateur, a encadré les motifs de licenciement et redéfini les procédures applicables en instituant un certain nombre de garanties pour les agents (notamment une obligation de reclassement).

La mise en place d’une rupture conventionnelle comporte, en outre, un risque de déresponsabilisation des administrations dans la conduite de leur procédure de licenciement.

Par ailleurs, elle serait nécessairement coûteuse (la rupture amiable suppose une indemnisation dont le montant est généralement supérieur à l’indemnité de licenciement).

Enfin, il convient de noter que le licenciement, le non-renouvellement de contrat et les cas de démissions considérées comme légitimes ouvrent droit au bénéfice de l’allocation chômage.

Par ailleurs, s’agissant des fonctionnaires, le décret n° 2009-1594 du 18 décembre 2009 a institué une indemnité de départ volontaire pour ceux qui souhaiteraient quitter définitivement la fonction publique territoriale. Elle permet l’attribution d’une prime pouvant aller jusqu’à deux ans de salaire et répond aux préoccupations de ceux qui désirent changer d’orientation professionnelle.


14ème legislature
Question N° 68977 de M. François Brottes (Socialiste, républicain et citoyen - Isère )
Question écrite
Ministère interrogé > Décentralisation et fonction publique
Ministère attributaire > Décentralisation et fonction publique
Tête d’analyse > contrats de travail

Analyse > rupture conventionnelle. champ d’application
Question publiée au JO le : 11/11/2014 page : 9421
Réponse publiée au JO le : 24/03/2015 page : 2229
Date de signalement : 20/01/2015