Déclaration sur la ratification par la France de la Convention (n° 190) de l’OIT concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail

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(Assemblée plénière du 28 avril 2020 - Adoption 38 voix « pour », 2 abstentions)

- 1. L’année 2019 marquait le centenaire de la création de l’Organisation internationale du travail (OIT). « S’engageant en faveur d’un monde du travail exempt de violence et de harcèlement » (i), la Conférence de l’OIT, réunie pour sa 108e session, dite session du centenaire, a adopté le 21 juin 2019, la Convention (n° 190) concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. Adoptée à une large majorité, elle constitue le premier texte international contraignant visant à lutter contre le harcèlement et les violences au travail consacrant ainsi le droit « de toute personne à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement, y compris de violence et de harcèlement fondés sur le genre » (ii).
- 2. Cette Convention définit explicitement, et pour la première fois, les violences et le harcèlement au travail comme étant « l’ensemble de comportements et de pratiques inacceptables, ou de menaces de tels comportements et pratiques, qu’ils se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, qui ont pour but de causer, causent ou sont susceptibles de causer un dommage d’ordre physique, psychologique, sexuel ou économique, et comprend la violence et le harcèlement fondés sur le genre » (iii).
- 3. D’autre part, le texte énumère de manière large les personnes protégées par cette Convention, y compris les travailleuses et travailleurs de l’économie informelle (iv), et ne limite pas son application au seul critère du lieu de travail, mais en se référant plus largement au « monde du travail », elle vise également les comportements adoptés « à l’occasion, en lien, avec ou du fait du travail » (v).
- 4. Enfin, de nombreuses obligations incombent aux États membres de l’OIT ayant ratifié cette Convention, notamment des politiques de prévention, de formation et de sensibilisation visant à interdire et sanctionner les violences et le harcèlement au travail. Des mesures pour assurer le contrôle et le suivi de l’application de la Convention doivent être ainsi mises en place afin de garantir aux victimes « un accès aisé à des moyens de réparations appropriées et efficaces » (vi).
- 5. Le même jour, la recommandation (n° 206) concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail a également été adoptée par la Conférence de l’OIT. Elle vise à compléter les dispositions de la Convention (n° 190) et à orienter les politiques des États.
- 6. Alors que nous traversons une crise sanitaire mondiale sans précédent, qui a déjà des conséquences sociales, directes et indirectes, particulièrement sévères, l’importance de la mise en place de politiques de prévention et de sensibilisation afin de lutter contre les violences et le harcèlement au travail semble plus que jamais d’actualité.
- 7. La CNCDH rappelle son attachement au caractère tripartite des négociations ayant lieu chaque année lors de la Conférence internationale du travail, et souligne la mobilisation du groupe des travailleurs. D’autre part, la CNCDH salue le Gouvernement français pour son implication et son rôle au sein de la délégation européenne à l’OIT.
- 8. A la suite de cette adoption, dans un communiqué en date du 25 juin 2019, la ministre du travail, Mme Muriel Pénicaud a annoncé que : « le ministère du travail entamera sans tarder le processus de ratification de la convention (vii), étape nécessaire pour sa mise en œuvre en France. Il engagera, à cet effet, la concertation avec l’ensemble des acteurs concernés » (viii).
- 9. Certaines dispositions de cette Convention relèvent du droit de l’Union européenne. Le processus de ratification au niveau national ne pourra être lancé qu’après autorisation donnée par le Conseil de l’Union européenne aux États membres de ratifier, les parties de la Convention (n° 190) qui relèvent de sa compétence.
- 10. La CNCDH accueille avec satisfaction le fait que « le contenu de la convention ne s’oppose en aucune manière à l’acquis de l’UE existant » (ix) ainsi que la bonne avancée du processus au niveau européen permettant à la France de lancer la procédure parlementaire nécessaire à la ratification des traités internationaux.
- 11. Tout en prenant en compte le ralentissement des consultations engagées dans le cadre européen comme sur le plan interne, entrainé du fait de la crise sanitaire, la CNCDH souhaite que celles-ci puissent aboutir dans les meilleurs délais.
- 12. Cependant, l’année 2020 marquant les 25 ans de l’adoption de la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, la CNCDH tient à insister sur le signal fort qu’apporterait la ratification de la Convention n° 190 avant la fin de l’année 2020.
- 13. La CNCDH recommande qu’une négociation tripartite en France soit organisée dès que la situation sanitaire actuelle le permettra pour mettre en œuvre les instruments adoptés le 21 juin 2019.
- 14. Par ailleurs, la CNCDH rappelle que la France n’a toujours pas ratifié la Convention (n° 189) adoptée par l’OIT en juin 2011 portant sur les travailleuses et les travailleurs domestiques, pourtant régulièrement victimes de situations de violences et de harcèlement au travail.
- A ce titre, la CNCDH recommande :
1. - de prendre toutes les mesures nécessaires pour que la ratification par la France de la Convention (n° 190) de l’OIT ait lieu avant fin 2020 ;
2. - d’ouvrir un cycle de négociations tripartites et de dialogue social conformément à la commission n° 144 de l’OIT afin d’adapter le droit du travail et le droit de la fonction publique aux dispositions de la Convention (n° 190) et de la recommandation (n° 206) de l’OIT ;
3. - de mettre en place un plan d’action national de sensibilisation, de formation et de prévention, en renforçant notamment le rôle de l’inspection du travail afin de mettre en œuvre concrètement la lutte contre la violence et le harcèlement au travail  ;
4. - d’inscrire ce plan en cohérence avec celui pour la mise en œuvre des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et aux entreprises publié le 26 avril 2017 ;
5. - de mettre en œuvre le processus de ratification de la Convention (n° 189) de l’OIT.


(i) Déclaration du centenaire de l’OIT pour l’avenir du travail, adoptée le 21 juin 2019, paragraphe 10 du préambule.

(ii) Convention (n° 190) concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, adoptée le 10 juin 2019, paragraphe 5 du préambule.

(iii) Ibid., article 1-a.

(iv) Selon l’article 2 de la Convention n° 190, cette dernière, d’une part, protège « les travailleurs et autres personnes dans le monde du travail, y compris les salariés tels que définis par la législation et la pratique nationales, ainsi que les personnes qui travaillent, quel que soit leur statut contractuel, les personnes en formation, y compris les stagiaires et les apprentis, les travailleurs licenciés, les personnes bénévoles, les personnes à la recherche d’un emploi, les candidats à un emploi et les individus exerçant l’autorité, les fonctions ou les responsabilités d’un employeur » et, d’autre part, s’applique « à tous les secteurs, public ou privé, dans l’économie formelle ou informelle, en zone urbaine ou rurale ».

(v) Ibid., article 3.

(vi) Ibid., article 10-3b.

(vii) Voir également les recommandations de la Plateforme RSE, dans son avis sur l’engagement pour l’égalité femmes-hommes des entreprises actives à l’international de septembre 2019, dont la CNCDH était co-rapporteure : https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-rse-engagement-egalite-femmes-hommes-septembre-2019.pdf

(viii) Ministère du travail, « Adoption de la première convention internationale pour l’élimination de toutes formes de violence et de harcèlement dans le monde du travail », 25 juin 2019 :
https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/adoption-de-la-premiere-convention-internationale-pour-l-elimination-de-toutes

(ix) Proposition de décision du Conseil autorisant les États membres à ratifier, dans l’intérêt de l’Union européenne, la convention (n° 190) sur la violence et le harcèlement, 2019, de l’Organisation internationale du travail, COM(2020) 24 final, 22 janvier 2020.


NOR : CDHX2011097X