Fonction publique : les 11 mesures que l’exécutif veut faire passer par ordonnances

Place de la négociation dans la fonction publique, participation des employeurs à la protection sociale complémentaire de leurs agents, réforme de l’organisation et du fonctionnement des instances médicales, rapprochement des établissements publics et des services de formation des agents… Voilà certains des sujets sur lesquels le gouvernement veut passer par ordonnances. Une démarche toujours autant critiquée.

Voilà un procédé de réforme qui ne manque déjà pas d’être critiqué. Le gouvernement compte en effet passer par plusieurs ordonnances pour mener à bien sa réforme de la fonction publique. Dans l’avant-projet de loi qui vient d’être présenté, 3 articles prévoient en effet d’habiliter le gouvernement à prendre par ordonnances plusieurs dispositions relevant du domaine de la loi et qui toucheront directement le cadre statutaire des agents publics. Onze mesures sont visées.

“En décidant de passer par ordonnances sur certains points, le gouvernement confirme sa volonté de casser le plus rapidement possible le statut de la fonction publique, le tout sans passer par un véritable débat et en décidant tout seul”, juge un représentant du personnel. À l’Assemblée nationale, dans la majorité, l’on estime que les parlementaires devront être associés de “très près” à la construction de ces ordonnances “pour ne pas laisser le gouvernement totalement à la manœuvre”. “La confiance n’exclut pas le contrôle”, y juge-t-on.

Sans surprise, le recours aux ordonnances est défendu du côté du secrétariat d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics. “Cette procédure permet de nous donner du temps pour consulter les représentants du personnel et des employeurs, mais aussi les parlementaires, explique-t-on. Jusqu’à ce jour, nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour aborder les sujets qui passeront par ordonnances, c’est désormais le moyen d’y remédier.”

Modalités de la négociation et protection complémentaire

Dans le détail, une première ordonnance, qui devra être prise dans un délai de quinze mois à compter de la promulgation de la loi, vise à “renforcer la place de la négociation dans la fonction publique”, notamment en précisant les autorités compétentes pour négocier avec les organisations syndicales, en adaptant les critères de reconnaissance de validité des accords, en déterminant la portée juridique des accords et leurs conditions de conclusion et de résiliation et en faisant évoluer l’articulation entre les niveaux de négociation entre le niveau national et le niveau local (possibilité d’accords locaux).

Les autres ordonnances (prises dans un délai de neuf mois) visent pour leur part à “simplifier les règles applicables aux agents publics relatives à l’aptitude physique à l’entrée dans la fonction publique, aux différents congés et positions statutaires pour maladies d’origines non professionnelle et professionnelle et aux prérogatives et obligations professionnelles des agents publics traitant les dossiers d’accidents et maladies professionnels” ou encore à réformer la participation des employeurs au financement des garanties de protection sociale complémentaire de leurs agents.

Pour rappel, sur ce dernier point, le gouvernement a missionné les corps d’inspection pour dresser un bilan des dispositifs de protection sociale complémentaire en place dans les trois versants. Dès la remise de ses travaux, une concertation s’engagera avec les représentants du personnel et des employeurs.

Rapprochement des établissements et services de formation des agents

Les ordonnances attendues viseront aussi à “réformer les dispositions applicables aux agents publics en matière de temps partiel pour raison thérapeutique et de reclassement par suite d’une altération de leur état de santé pour favoriser leur maintien et leur retour à l’emploi” et à “clarifier et compléter, en transposant et, le cas échéant, en adaptant les évolutions intervenues en faveur des salariés relevant du code du travail et du régime général de sécurité sociale, les dispositions relatives au congé pour maternité, au congé pour adoption, au congé de paternité et d’accueil de l’enfant et au congé du proche aidant des agents publics”.

D’autres ordonnances pourront également être prises pour réformer l’organisation et le fonctionnement des instances médicales et de la médecine agréée et autoriser la mutualisation des services de médecine de prévention pour faciliter la prise en charge des agents publics (dans un délai de douze mois), mais aussi (dans un délai de dix-huit mois) pour “améliorer et harmoniser la formation initiale et continue, notamment en matière d’encadrement, des agents publics de catégorie A” ou encore “organiser le rapprochement et modifier le financement des établissements publics et des services de formation des agents publics”.

Derrière de ce dernier objectif, est notamment évoquée la possibilité pour le gouvernement de reprendre des propositions du rapport rédigé par le sénateur LREM Arnaud de Belenet et le député LREM Jacques Savatier sur la formation et la gestion des carrières des agents des collectivités territoriales, rapport remis au Premier ministre mardi 12 février Garde-fous pour les parlementaires

Courant sous la Ve République, le recours aux ordonnances est défendu depuis le début du quinquennat par l’exécutif pour réformer rapidement. Preuve en sont notamment les ordonnances réformant le code du travail ou encore celles réformant la SNCF. Lors de la campagne qui l’a amené à l’Élysée, le candidat Emmanuel Macron avait indiqué qu’une telle méthode permettait de “procéder de manière rapide et efficace”, mais aussi “d’accélérer les débats”. Au lendemain de l’élection présidentielle, son allié François Bayrou avait concédé une “différence” avec le chef de l’État tout juste élu, précisément sur ce sujet des ordonnances. “Les ordonnances, c’est une méthode dans laquelle on fait le constat que les choses sont bloquées”, avait-il indiqué.

Si la pratique des ordonnances permet bien entendu de limiter le débat parlementaire, des garde-fous existent néanmoins, pour que le rôle du Parlement ne soit pas réduit à néant sur les dispositions envisagées. Le gouvernement, en effet, peut prendre des ordonnances seulement si les chambres parlementaires lui en donnent l’autorisation.

Le premier garde-fou est ainsi la loi d’habilitation que le Parlement doit voter pour autoriser le gouvernement à prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. En somme, les limites que le gouvernement ne peut dépasser. Second garde-fou : la consultation du Parlement une fois l’ordonnance prise en Conseil des ministres et publiée. Dès lors, un projet de loi de ratification doit être déposé au Parlement. En général, le processus de ratification se fait de manière express. C’est là tout son intérêt pour le gouvernement.

Une fois le projet de ratification déposé, soit l’ordonnance est approuvée par le Parlement et acquiert valeur de loi, soit le Parlement rejette la ratification et l’ordonnance devient caduque. Dans ce cas, l’état du droit antérieur est rétabli. À noter par ailleurs que lesdites ordonnances deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation.