Avant-projet de loi El Khomri : les modifications apportées aux mesures sur le temps de travail et le forfait jours....

Mais pas que.....

La nouvelle version de l’avant-projet de loi "visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs", transmise au Conseil d’État mardi 15 mars 2016, intègre les évolutions présentées par le gouvernement la veille, à l’issue d’un nouveau cycle de concertation avec les partenaires sociaux. En matière de durée du travail, plusieurs modifications notables ont été apportées au texte.

D’abord, la possibilité pour les PME de conclure des conventions individuelles de forfait en jours sans accord collectif est supprimée.

Pour recourir au forfait en jours, les entreprises de moins de 50 salariés devront passer par un accord avec un salarié mandaté ou un accord-type de branche.

Ensuite, le texte revient aux dispositions en vigueur sur les astreintes, la durée hebdomadaire maximale du travail, ou encore les temps d’habillage ou de déshabillage.

L’avant-projet de loi "El Khomri", dans sa version amendée transmise au Conseil d’État mardi 15 mars 2016, revient sur certaines dispositions prévues par le texte initial en matière de durée du travail et recours au forfait en jours.

DURÉE DU TRAVAIL

- Restauration, habillage/déshabillage. Comme s’y était engagé le Premier ministre devant les partenaires sociaux, le texte revient strictement aux dispositions actuellement en vigueur en matière de rémunération ou contreparties aux temps de restauration, habillage et déshabillage.
La rédaction est toutefois différente, compte tenu de la nouvelle architecture en trois niveaux appliquée aux mesures relatives à la durée du travail :
1) Dispositions d’ordre public,

2) Champ de la négociation collective,

3) Dispositions supplétives.

À terme, c’est tout le code du travail a vocation à être décliné selon ces trois niveaux.

- Astreintes.

De même, en matière d’astreintes, la nouvelle version de l’avant-projet de loi reprend les dispositions en vigueur. En particulier, l’attribution au salarié qui a dû intervenir pendant une période d’astreinte d’un repos compensateur au moins égal au temps d’intervention est supprimée. Une différence est maintenue avec l’existant : le délai de prévenance de 15 jours, inscrit à l’article L. 3121-8 du code du travail, est remplacé par un "délai raisonnable".

Cependant, un décret en Conseil d’État doit préciser ce délai de prévenance dans le cas où ce sont les mesures supplétives qui s’appliquent.

- Durée hebdomadaire maximale.

Là encore, le gouvernement en revient à l’existant : les partenaires sociaux ont la possibilité de négocier un accord autorisant le dépassement de la durée hebdomadaire de 44 heures calculée sur une période de 12 semaines (au lieu de 16 dans la version initiale), et dans la limite de 46 heures.

- Aménagement du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine.

La nouvelle version du projet de loi maintient la possibilité d’aménager le temps de travail sur une période de référence allant jusqu’à trois ans en cas d’accord collectif, mais soumet cette possibilité à l’existence d’un accord de branche l’autorisant.
- Autre limite : si la période de référence est supérieure à un an, l’accord doit nécessairement prévoir un seuil, supérieur à 35 heures, au-delà duquel les heures accomplies au cours d’une même semaine "sont en tout état de cause des heures supplémentaires rémunérées avec le salaire du mois considéré".
En cas d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine par décision unilatérale de l’employeur dans une entreprise de moins de 50 salariés, la période de référence est ramenée à 9 semaines au lieu de 16 dans le texte initial.

- Horaires individualisés.

La possibilité pour l’employeur de mettre en place un dispositif d’horaires individualisés "permettant un report d’heures d’une semaine à une autre" est désormais soumise à un avis conforme du CE ou des délégués du personnel, ou, à défaut, à l’autorisation de l’inspecteur du travail. Auparavant, le texte ne prévoyait qu’une information de l’inspection du travail.

CONVENTIONS DE FORFAIT

- Fractionnement des repos.

La version initiale de l’avant-projet de loi prévoyait que l’accord mettant en place les forfaits annuels en jours ou en heures pouvait "fixer les modalités selon lesquelles le salarié peut, à sa demande et avec l’accord de l’employeur, fractionner son repos quotidien ou hebdomadaire dès lors qu’il choisit de travailler en dehors de son lieu de travail au moyen d’outils numériques".

Cette possibilité est supprimée de la nouvelle version du texte. La question devrait être abordée par les partenaires sociaux représentatifs au niveau national interprofessionnel dans le cadre d’une concertation sur le télétravail, censée s’ouvrir avant le 1er octobre 2016.

- Conventions de forfait sans accord dans les PME.

La nouvelle version du texte supprime la possibilité initialement ouverte aux employeurs de moins de 50 salariés de conclure des conventions individuelles de forfait en l’absence d’accord collectif. Lors de son intervention à l’issue de la réunion avec les partenaires sociaux, lundi 14 mars, Manuel Valls a précisé que le recours aux forfaits en jours serait soumis à la conclusion d’un accord avec un salarié mandaté ou à la mise en œuvre directe d’un accord-type de branche sur le sujet.

- CONGÉS POUR ÉVÉNEMENTS FAMILIAUX

- Durée minimale.

Dans sa rédaction initiale, l’avant-projet de loi ne retenait pas de durée minimale pour les congés pour événements familiaux, dont la mise en œuvre peut être déterminée par accord d’entreprise ou, à défaut, de branche. La nouvelle version du texte fixe des durées minimales, dont certaines diffèrent des dispositions inscrites à l’article L. 3142-1 du code du travail.

Voici les durées minimales retenues :

- quatre jours pour un mariage ou la conclusion d’un Pacs,

- un jour pour le mariage d’un enfant,

- trois jours pour chaque naissance ou pour l’arrivée d’un enfant en vue de son adoption,

- deux jours pour le décès d’un enfant ou pour le décès du conjoint, ou pour celui du partenaire de Pacs, ou pour le décès du père, ou de la mère, ou du beau-père, ou de la belle-mère, ou d’un frère ou d’une sœur.

Ainsi, "la durée prévue par voie conventionnelle ne pourra être inférieure à celle qui s’applique à défaut d’accord", justifie le gouvernement dans l’exposé des motifs.

- Temps de travail des apprentis

La première version permettait, dans certains secteurs dont le bâtiment, de faire travailler un apprenti jusqu’à 10 heures par jour (au lieu de 8) et 40 heures par semaine (au lieu de 35), sur simple déclaration à l’inspection du travail.

Une autorisation préalable de l’inspection du travail sera finalement nécessaire, comme dans le droit actuel.


LA RÉFORME DE LA MÉDECINE DU TRAVAIL

L’avant-projet de loi prévoit notamment de mettre fin au dispositif de visites médicales d’embauche et de visites bisannuelles.

Absent des débats sur l’avant-projet de loi travail, l’article 44 de ce texte, intitulé « Moderniser la médecine du travail », suscite néanmoins la colère de bon nombre de professionnels, qui y voient une dénaturation de leur rôle et un danger pour les droits des salariés.

Il est notamment prévu de mettre fin au dispositif actuel de visites médicales d’embauche et de visites bisannuelles, ainsi que de supprimer l’avis d’aptitude (ou d’inaptitude) au poste qui en débouchait. Désormais, le salarié aurait droit à une « visite d’information et de prévention effectuée après l’embauche » par un membre du service de santé au travail, pas forcément médecin. Puis il ferait l’objet « d’un suivi individuel de [son] état de santé effectué par le médecin du travail » et par son équipe. Le rythme de ces rencontres de suivi n’est pas encore fixé mais il pourrait être de cinq ou six ans...

SURVEILLANCE MÉDICALE RENFORCÉE

Quand au dispositif actuel de « surveillance médicale renforcée » pour certains salariés, il est redéfini.

Il concernait les travailleurs mineurs, les femmes enceintes, les personnes handicapées ou exposées à diverses situations à risques (amiante, rayonnements ionisants, etc.). Il visera désormais le salarié « affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité, celles de ses collègues ou de tiers [ce qui est nouveau] évoluant dans l’environnement immédiat de travail ». Les salariés occupant de tels postes bénéficieraient d’un « suivi médical renforcé » avec, notamment, « un examen médical d’aptitude » réalisé, cette fois, avant l’embauche et renouvelé périodiquement.

Si certaines maladies risquent de conduire le salarié à la perte de son emploi, « il la dissimulera au médecin du travail . Aujourd’hui, dans le cadre d’une pratique de prévention des risques et de maintien dans l’emploi, « on déclare aptes [ces personnes], tout en s’assurant qu’elles sont bien équilibrées grâce à un traitement adéquat.Avec ce texte, on les déclarerait inaptes. Car, si on met sur les épaules des médecins du travail la sécurité des tiers, ils ne vont plus raisonner qu’en termes de statistiques et ne prendront plus aucun risque. »

Le recours contre l’avis d’aptitude ou d’inaptitude, qui se faisait jusqu’à présent devant l’inspecteur du travail, passerait désormais par un référé prud’homal pour obtenir la désignation d’un médecin expert.

- REFERENDUM D’ENTREPRISE

- la possibilité référendaire de validation des accords se généraliserait au 1er septembre 2019

La nouvelle version de l’avant-projet de loi "visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs" revient sur les modalités d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de validation des accords d’entreprises.

Dans un premier temps, la validation par 50 % d’engagement ou à défaut par une consultation des salariés à la demande d’organisations représentant plus de 30 % des suffrages, ne serait appliquée qu’aux accords portant sur la durée du travail, les repos et les congés, y compris les futurs accords préservant ou développant l’emploi.

Ce sera généralisé à tous les accords, à l’exception des AME, au plus tard au 1er septembre 2019. De plus, ce nouveau texte transmis au Conseil d’État mardi 15 mars 2016, généralise le mandatement à l’ensemble des champs négociables.

La nouvelle version de l’avant-projet de loi "visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs" transmise au Conseil d’État mardi 15 mars 2016, revient sur les principes de validation des accords d’entreprise et notamment sur la possibilité de recours à un référendum en cas d’absence d’accord majoritaire à plus de 50 % d’engagement.

D’après l’article 12 réécrit, un accord pourra être validé s’il est signé par des organisations syndicales "ayant recueilli plus de 50 %" des suffrages exprimés lors des élections professionnelles, ou à défaut, par une consultation des salariés demandée par une ou des organisations syndicales ayant recueilli "plus de 30 %" des suffrages.

Finalement l’avant-projet de loi prévoit désormais deux phases :

• à la date d’entrée en vigueur de la future loi, une application de ce principe pour les accords portant "sur la durée du travail, les repos et les congés". De même, cela s’appliquerait pour les futurs accords "conclus en vue de la préservation ou du développement de l’emploi", aussi appelés "accords offensifs" qui s’imposeront aux contrats de travail. Contrairement à ce que pouvait laisser comprendre le dossier de presse, il n’y a aucune modification sur les modalités d’application de ces futurs accords ;

• dans un délai d’un an après la remise du rapport de la commission de réécriture du code du travail et "au plus tard au 1er septembre 2019", une application aux autres accords collectifs, à l’exception notable des accords de maintien de l’emploi dont la validation resterait exclusivement majoritaire. En revanche, l’autre type d’accord majoritaire créé dans l’ANI de janvier 2013, à savoir celui portant sur les PSE, pourra être validé par voie référendaire.

- GÉNÉRALISATION DU MANDATEMENT

L’article 10 prévoit que "les accords négociés et conclus par un ou plusieurs salariés mandatés [dans les entreprises dépourvues de représentation syndicale] peuvent porter sur toutes les mesures qui peuvent être négociées par accord d’entreprise ou d’établissement".

Cet élargissement du champ du mandatement permettrait que des représentants syndicaux puissent être désignés y compris dans les petites entreprises".

Dans le droit actuel, le mandatement n’est possible que sur les "mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif" à l’exception des PSE.